Down With The King, portrait d’un rappeur désenchanté

Dans le concert des actualités royales et cinématographiques du moment, un nouveau roi vient de faire son arrivée depuis le 12 septembre sur les plateformes VOD. Sélectionné dans plusieurs grands festivals internationaux (sélection ACID Cannes 2021, Champs-Elysées Film Festival 2021) et récompensé par le Grand Prix du 47e Festival de Deauville 2021, Down With The King raconte l’histoire de Money Merc, un rappeur en pleine désillusion qui décide de fuir l’industrie musicale pour se réfugier à la campagne et y devenir fermier.

Nous avons interrogé Diego Ongaro, son réalisateur français installé aux Etats-Unis, sur les contours de ce très beau film indépendant imprégné de musique et irradié par le charisme de son personnage central, le rappeur américain Freddie Gibbs.

KR : Ton film parle d’une star du rap en pleine désillusion. Comment as-tu réussi à enrôler une star du rap US comme Freddie Gibbs avec un scénario qui va à l’encontre des images véhiculées par le rap (virilité, succès, argent) ?

Diego Ongaro : J’ai contacté Freddie au printemps 2020, au début de la pandémie. C’était un moment où tout le monde était confiné chez soi, avec de nombreux gens qui commençaient à remettre en question leur mode de vie. Je savais que la tournée de Freddie était annulée jusqu’à nouvel ordre, le moment était opportun de lui proposer quelque chose de différent, à savoir jouer un premier rôle dans un film indépendant Américain. Et il a été très réceptif car il aimait l’histoire et se retrouvait dans ce personnage en proie au doute qui veut quitter l’industrie de la musique. Il a toujours voulu jouer dans des films et avec cette proposition, il y a vu un tremplin idéal pour commencer une carrière d’acteur. 

Le titre de ton film est-il un hommage détourné à RUN DMC et au morceau « Down with the king » ?

Je suis parti de l’expression « down with the king » qui a un double sens. « Down with » signifie « être d’accord avec » en language familier, mais signifie aussi « tomber avec quelqu’un ». Ce film, c’est un peu la chute d’un homme au ralenti et ce double sens fonctionnait bien pour illustrer ce moment de bascule. Après, il y avait aussi un clin d’œil au classique de RUN DMC. 

Quelle est ton histoire personnelle avec le rap comme genre musical, toi qui vit aux USA mais qui a grandi en France ?

Adolescent, j’ai écouté énormément de rap, à la fin des années 80 et dans les années 90. Du rap Français et du rap US. J’écoutais tout ce qui sortait, je rappais seul dans ma chambre. Ça m’a nourri et accompagné tout au long de ma vie. Même si j’en écoute un peu moins aujourd’hui, le rap fait partie de mon ADN. 

Dans le film, on voit beaucoup Freddie Gibbs chercher des lyrics ou rapper. Quelle a été sa part d’improvisation dans le film ? Et qu’avez-vous gardé au montage ?

Sur les moments où Freddie rappe, on était en improvisation complète. On savait où la scène devait aller en terme de direction et de dramaturgie. Mais pour ce qui est du reste, Freddie avait une liberté totale. Je voulais le voir à l’ouvrage, observer comment il travaille et le filmer de façon documentaire. Tous ses lyrics étaient improvisés sur le moment, c’était dingue à voir. Je lui avais donné un petit carnet pour que son personnage puisse y écrire des rimes (et il l’a gardé pour certaines scènes). Mais il m’a dit qu’en réalité, il n’écrivait jamais ses lyrics, et gardait tout dans sa tête. Au montage, on a dû enlever beaucoup de super moments, afin de rester concis et concentré sur le récit et ne pas perdre en rythme. 

On voit également dans ton film une scène dans laquelle intervient Leon Michels, producteur et tête pensante de l’excellent projet El Michels Affair. Comment s’est-t-il trouvé embarqué dans ton film ?

Leon Michels avait travaillé avec Freddie sur des morceaux live de l’album Bandana avec Madlib. Le manager de Freddie nous a mis en contact quand on cherchait quelqu’un pour produire les morceaux du film. Je connaissais son travail avec El Michels Affair, que j’adorais. C’était une vraie chance de pouvoir travailler ensemble. Après avoir parlé plusieurs fois avec Leon, je lui ai proposé le rôle du producteur pour cette scène. Il n’était pas trop chaud pour le faire au début, mais j’ai su le convaincre et il s’en sort très bien. C’est une de mes scènes préférées dans le film. 

La musique du film a été composée par Nathan Halpern, qui est ce compositeur ?

Nathan avait composé la musique de The Rider de Chloe Zhao. Le film est magnifique et la BO aussi. Nathan réussit à y faire quelque chose de très atmosphérique et émouvant sans pour autant sortir les violons et faire du tire-larmes facile. Il y a une tonalité qui me parle dans sa musique, quelque chose de généreux et pudique.

Quel regard as-tu eu sur la BO ? As-tu laissé au compositeur une entière liberté ou es-tu parfois intervenu ?

Avec Nathan, on a identifié les passages ou il y aurait de la musique et parlé de ce qu’on voulait que chaque morceau raconte. Après, il composait ses morceaux et me les envoyaient quand ils étaient prêts. J’avais parfois quelques suggestions ou changements mais assez peu au final. C’est un compositeur extrêmement talentueux. 


Down With The King • Un film de Diego Ongaro
États-Unis, France – 2021 – 100 min
Avec : Freddie Gibbs , Bob Tarasuk , Jamie Neumann , David Krumholtz et Sharon Washington

Disponible sur les plateformes VOD


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