Vincent Brunner nous parle de son livre sur De La Soul et de Trugoy qui vient de nous quitter

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KR : Qu’est ce qui t’a poussé à t’intéresser à De La Soul ?

Vincent Brunner : J’ai découvert De La Soul à l’âge de 16 ans et il a fait partie des groupes qui ont façonné mes oreilles avec leurs collages de samples, leur humour et leur curiosité. 3 Feet High and Rising, le premier album, reste un chef-d’œuvre d’innocence et d’inventivité dont je n’ai pas encore tiré toutes les richesses. En 1989, stimulé par leur mentor Prince Paul, ce trio échantillonnait Johnny Cash, chose dont je me suis rendu compte bien plus tard. De La Soul, à ses débuts, a été un passeur très fun de culture. La situation concernant le streaming m’a donné aussi envie de lui rendre hommage.

Peux-tu revenir sur la vie de Trugoy et son rôle au sein de De La Soul ?

Né en 1968 à Brooklyn, Dave Jolicoeur avait des racines haïtiennes. Dans le trio, il était Plug 2, la voix complémentaire de Posdnuos, l’autre rappeur. Il a transmis à De La Soul sa fantaisie, son humour. Comme le trio a déjà pioché dans les collections de disques de leurs parents, lui est responsable des samples country & western du premier album.

Que sait-on des raisons de son décès ?

Trugoy – « yogurt » à l’envers, une nourriture dont il était friand – souffrait d’insuffisance cardiaque et vivait avec un défibrillateur. Il en avait parlé dans la vidéo de Royalty Capes en 2016. Le 5 février dernier, alors que ses deux compères étaient sur la scène des Grammy Awards, lui était absent ce qui aurait dû nous mettre la puce à l’oreille concernant son état.

Comment expliquer que 3 Feet…, considéré comme un trésor et préservé comme tel à la librairie du Congrès Américain, n’a pas été disponible sur les plateformes jusqu’en 2023 ?

Le péché originel date de la fin des années 1980. Quand sort 3 Feet High and Rising, la maison de disques Tommy Boy n’a pas verrouillé juridiquement tous les samples. Les membres de De La Soul, eux, ne réfléchissaient pas en termes d’emprunt, ils voulaient avant tout s’amuser. Résultat, quand cet album sort, des artistes comme les Turtles ont été mis devant le fait accompli et ont attaqué le groupe en justice. Après une transaction estimée à 1,7 milliard de dollars, le conflit a cessé. Mais, à l’heure du numérique, certains ayants droit se sont réveillés et, comme la maison de disques Tommy Boy a voulu rogner sur les royalties du groupe, les choses se sont enlisées. Jusqu’à ce qu’une société achète tout le catalogue de De La Soul et accélère sa mise en ligne. Ça aura mis quand même plus d’un an entre l’annonce et la disponibilité sur les sites de streaming !