Jeu KR#379 : Jouez avec KR et le CNM

La troisième édition de L’édition musicale de Matthieu Chabaud se présente comme un guide de référence, riche de 450 pages, dont vous trouverez l’interview de l’auteur ci-dessous. Véritable manuel pratique, il décrypte en profondeur les métiers de l’édition musicale : contrats de cession, coédition, sous-édition, droits patrimoniaux et moraux, synchronisation, flux de rémunération, etc. Conçu pour les professionnels du secteur (éditeurs, auteurs, juristes, producteurs) comme pour les étudiants curieux, l’ouvrage combine rigueur juridique, perspective historique et outils pratiques. Sous la plume de Matthieu Chabaud, conférencier et juriste aguerri, ce livre éclaire avec clarté les coulisses d’un métier en mutation, indispensable au rayonnement des œuvres et à la protection de leurs créateurs. 

KR : Pourquoi sortir une troisième édition aujourd’hui ?

Matthieu Chabaud : On peut avoir l’impression que les pratiques dans l’industrie musicale sont immuables et notamment dans le secteur de l’édition musicale. Pourtant, il est impressionnant de constater qu’elles évoluent subtilement et que depuis la dernière édition, il fallait que le livre soit en phase avec ces évolutions. 

Qu’est-ce qui a tant changé dans le métier d’éditeur musical ces dernières années ?

Il y a les grands sujets comme les investissements dans les catalogues éditoriaux par des fonds Nords américains mais pas seulement, les achats de catalogues ; l’intelligence artificielle, même si la réglementation n’est pas du tout stabilisée, les pratiques existent déjà, que ce soit – depuis longtemps – en matière de création musicale assistée par l’IA (l’informatique musicale, les logiciels de MAO, plug-ins, mixage, mastering), ou que ce soit en matière d’IA générative (ingestion des œuvres musicales par les systèmes d’IA aux fins de génération d’objets sonores) ; les dynamiques RSE dans le secteur de l’édition… Mais aussi toutes les pratiques contractuelles qui s’étoffent et se transforment lentement, l’extension du Code des usages et des bonnes pratiques de l’édition musicale du 4 octobre 2017 à tout le secteur (ce code ne s’appliquera plus seulement aux organisations représentatives des auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques populaires, classiques et de librairie) ; mise à jour des chiffres (fiscalité, Sacem… Notamment aux fins de tracking et vérification des droits d’auteur) ; mise à jour des programmes d’aide disponibles pour le secteur. Ce guide se veut pratique et consultable par toutes et tous selon les sujets rencontrés. Il se doit d’être à jour dans toutes les dimensions du métier d’éditeur : artistique, juridique et administrative.

Quels sont aujourd’hui les principaux défis des éditeurs face à la révolution numérique et à la mondialisation des usages ?

En particulier, face à l’IA et à l’ingestion des compositions et des textes de paroles des chansons par les systèmes d’IA, les éditeurs doivent permettre la valorisation des œuvres pour lesquelles les auteurs et les compositeurs leur ont cédé leurs droits de reproduction et de représentation. L’enjeu pour eux c’est la manière dont l’objectif de transparence des systèmes d’IA sera le plus parfait afin qu’ils puissent autoriser ou interdire l’ingestion des œuvres de leurs catalogues. Cette autorisation donnée dans le cadre du périmètre qui est le leur (certains droits sont apportés en gestion à la Sacem qui s’occupe alors d’autoriser et de facturer l’exploitant) donnera lieu à une facturation des systèmes d’IA. Une partie de ces droits d’auteur ainsi encaissée, définie par le contrat de cession et d’édition passé avec les auteurs compositeurs, leur est reversée (en général 50 %).

Entre coédition, synchronisation, gestion des droits… Quelles pratiques vous semblent encore mal comprises ou mal maîtrisées ?

Il y a souvent un amalgame entre coédition et gestion de catalogues éditoriaux. Le premier correspond à une copropriété des droits entre plusieurs éditeurs et le second est une prestation de services proposée à un éditeur afin qu’il remplisse ses obligations. Il est vrai que la synchronisation ou l’incorporation d’une œuvre musicale préexistante dans une œuvre audiovisuelle nouvelle est une pratique que personne ne conteste et qui fait partie de ce que recherche un auteur, un compositeur en travaillant avec un éditeur. Mais il y a encore une mauvaise interprétation de ce qui fonde juridiquement cette pratique – valorisation du travail des auteurs compositeurs et valorisation du travail éditorial d’association d’œuvres musicales à des images (films de cinéma, série, publicité, jeu vidéo, documentaire…). 

Votre livre s’adresse autant aux pros aguerris qu’aux étudiants : comment avez-vous concilié rigueur technique et accessibilité pédagogique ?

Il s’adresse effectivement aux professionnels aguerris, aux étudiants ainsi qu’à tout entrepreneur qui désire se lancer dans ce secteur. Depuis 2008, j’interviens dans des formations plus ou moins spécialisées, que ce soit au CNM, à l’EMIC, à l’Université Paris-Panthéon-Assas (en ouvrant droit de la musique au sein du M2 Droit des médias), à l’Université Paris-Saclay (Les contrats de la musique). J’ai été confronté à des publics très différents. Je me suis évertué à vulgariser sans simplifier les termes et les pratiques de l’édition musicale. Ça passe par la présentation des termes académiques, leur définition vulgarisée, leur schématisation et l’ajout dans le corps du texte des transcriptions d’entretiens de professionnels dans une présentation dynamique. Il y a le niveau théorique jusqu’aux pratiques parfois finement différentes des professionnels. Ces différents niveaux permettent une compréhension de tous les concepts.

Avec les outils numériques, certains artistes tentent de se passer d’éditeur. Quel rôle joue encore, ou doit jouer, l’éditeur dans cet écosystème en mutation ?

L’éditeur agit à la fois sur l’œuvre en création avec les auteurs-compositeurs (travail sur le texte, la composition), la création d’opportunités de collaboration avec d’autres auteurs compositeurs, artistes-interprètes, le développement de la carrière des auteurs compositeurs – qui sont souvent artistes-interprètes – en précisant leur environnement professionnel en permettant de trouver un manager, un producteur phonographique, un producteur de concerts, un booker, un attaché de presse… Il est aujourd’hui l’acteur de l’industrie musicale qui développe de nombreuses carrières très en amont de la notoriété. Souvent, quand un auteur-compositeur interprète gagne sa vie, acquiert une certaine notoriété jusqu’à devenir connu aux yeux du grand public, un éditeur a fait un long travail de développement en amont. Puis l’éditeur est aussi le premier exploitant de l’œuvre et celui qui va chercher à exploiter l’œuvre notamment en activant son réseau de superviseurs musicaux pour permettre aux œuvres d’être utilisées avec des images, la synchronisation. Enfin, il y a la sécurisation juridique, administrative et financière de ces exploitations qui peuvent être extrêmement nombreuses. Il est devenu primordial de maîtriser les techniques de gestion de droits pour des exploitations presque toujours internationales. Tout ça, s’inscrit dans un temps qu’il faut suivre. Les outils numériques aident à gérer certains de ces aspects, mais ne remplacent pas le métier d’éditeur de musique.

En savoir plus
cnm.fr/information/les-editions-cnm/

Clôture du jeu le 31 octobre 2025.

Concours par tirage au sort. Un gagnant par lot.

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